Tenue tous les deux ans depuis 2014, la Coupe du Monde des territoires et des nations non affiliés à la FIFA est à son tour menacée par la pandémie de coronavirus. L'occasion de revenir sur cette compétition atypique et encore méconnue.
Un match Île de Man-Ossétie du sud, un duel au sommet entre la Kabylie et Ruthénie Subcarpathique ou encore un derby entre le Comté de Nice et Monaco. Non vous n'êtes pas en train de disputer une partie de Risk improbable mais plutôt de regarder des affiches qui pourraient se dérouler lors de la Coupe du Monde CONIFA, celle des territoires, minorités et des nations non affiliés à la FIFA. Après 2014, 2016 et 2018, cette quatrième édition devait avoir lieu en Macédoine du Nord entre le 30 mai et le 7 juin. A l'instar de l'Euro ou d'autres compétitions, elle ne pourra probablement pas se dérouler cette année.
La faute à la pandémie du virus COVID-19 qui sévit un peu partout dans le monde. Face à l'urgence de la situation, des discussions ont déjà débuté entre les organisateurs et les fédérations. «Le comité d'organisation est en contact étroit avec les fédérations membres et le gouvernement de la Macédoine du Nord au sujet de la crise de Covid-19. Des discussions ont lieu ce week-end. La santé et le bien-être de nos équipes, des membres et bénévoles sont de la plus haute importance pour nous. Dès qu'une décision sera prise, nous en informerons les supporters, les médias accrédités et nos réseaux sociaux» nous a-t-on assuré ce vendredi du côté de la CONIFA.
Une édition 2020 en suspens
Face à l'incertitude qui règne un peu partout, certaines commencent à prendre leur précaution. C'est notamment le cas du FC Paroisses de Jersey. Dans un communiqué diffusé par le Jersey Evening Post, l'équipe des îles anglo-normandes assure qu'il faudra rapidement en savoir en plus afin de pouvoir assurer ses arrières. «J'ai eu une réunion avec le comité exécutif de CONIFA et les 16 équipes qualifiées pour la Coupe du monde. Beaucoup d'équipes étaient d'accord pour dire qu'il est encore trop tôt pour prendre une décision mais un certain nombre de participants, comme nous, ont déjà pris un engagement financier pour la Coupe du monde et nous espérons qu'elle aura lieu.»
Qualifiés pour la première fois pour cette compétition, les Anglais s'étaient déjà organisés pour venir une dizaine de jours dans la région balkanique à la fin mai. D'après James Scott, 20 000 livres (environ 22 000 euros) ont été déboursés pour assurer le voyage de toute la délégation. «Tous nos vols sont réservés et le seul moyen de récupérer l'argent, c'est par l'annulation des vols. Beaucoup d'équipes sont dans la même situation que la notre», déplore le manager des Parishes. Malgré l'engouement et l'excitation suscités sur l'île, il n'hésitera pas, à son grand regret, à retirer son équipe. «Nous sommes pleinement conscients que les choses changent quotidiennement.»
Une compétition humaniste
La Coupe du Monde de la CONIFA est pourtant une compétition à part. En 2013, la Confédération des associations indépendantes de football se reforme sous l'impulsion d'un ancien arbitre, le Norvégien Per-Anders Blind. Ce dernier souhaite venir en aide aux petits territoires non reconnus par la FIFA afin d'y développer leur football, aussi bien au niveau structurel que global. "La liberté de jouer au football" est même la devise de la confédération, qui a pour leitmotiv «de renforcer les liens entre les peuples, des relations mondiales et de la compréhension internationale.» En bref, jouez au foot et ne faites pas la guerre. Aujourd'hui, l'organisation compte 58 membres.
Pour le Québec, Monaco ou Hawaii, l'équipe a un simple rôle représentatif et sportif mais cela permet aussi à d'autres de s'affirmer sur le plan géopolitique. Souvent sous le feu morose de l'actualité, le Tibet, le Kurdistan ou le Rohingya par exemple profitent de cette caisse de résonance pour exister, se crédibiliser et même faire entendre leur cause dans le concert international. Des formes de solidarité se sont aussi organisées comme en 2014, quand 13 joueurs du Darfour ont demandé et obtenu l'asile en Suède. La Coupe du Monde avait lieu à Östersunds. Depuis, le club de la ville (12e sur 16 de la dernière Allsvenskan) reverse 1% de ses revenus mensuels aux joueurs restés sur place par le biais d'un partenariat conclut avec une ONG.
Nice avait célébré ses vainqueurs
Cette fameuse Coupe du Monde, qui aura du mal à avoir lieu en 2020, c'est aussi un formidable souvenir pour le Comté de Nice. Vainqueur de la première édition en battant l'Île de Man aux tirs au but en finale, la Selecioun avait fait chavirer de bonheur des Niçois qui s'étaient pris très sérieusement au jeu. «Pour la finale, un écran géant avait été installé dans la salle du Nikaïa. (...) A notre retour à l’aéroport, c’était complètement fou. Il y avait je ne sais combien de centaines de supporters, des fumigènes dans l’aéroport… On a mis peut-être une heure avant de sortir (rires)» nous avait raconté l'attaquant de Stade Malherbe de Caen Malik Tchokounté en septembre 2018. Malheureusement, pour revoir ces scènes de fraternité et de liesse en Macédoine du Nord, il faudra sans doute attendre un peu. Ce genre de période sinistrée peut aussi permettre aux peuples de se serrer les coudes.