Hier, le Centre international d’étude du sport (CIES) a dévoilé le classement des meilleurs clubs formateurs des cinq grands championnats européens. Avec 31 joueurs formés présents dans les meilleures ligues du Vieux Continent dont 11 au sein même de son équipe, l'Olympique Lyonnais s'est adjugé la troisième place. L'écurie présidée par Jean-Michel Aulas poursuit avec succès le développement de son académie mixte. Directeur du centre de formation lyonnais, Jean-François Vulliez nous en dit plus sur la gestion quotidienne de la Groupama OL Academy et le travail de recrutement pour dénicher les footballeurs de demain. Entretien.
**Foot Mercato : En quoi consiste au quotidien votre mission de directeur du centre de formation de l'Olympique Lyonnais ?
Jean-François Vulliez** : Ma mission consiste à appliquer au quotidien le projet et les directives, qui ont été validés par la direction générale avec moi, et atteindre les objectifs par rapport à ce qu'on s'est fixé en termes de formation (...) Nous sommes à la fois sur des objectifs sportifs et éducatifs. C'est un projet très systémique qui prend le jeune dans sa globalité avec tout son environnement, son contexte éducatif. Ce jeune est à l'OL. Nous essayons de voir ce qu'il sait déjà, ce que nous pouvons lui apporter, comment nous pouvons répondre à ses besoins individuels pour qu'il puisse progresser, comment nous pouvons intégrer ses qualités dans une équipe et développer son intelligence collective. Notre recherche quotidienne porte sur ces aspects-là. Mon rôle est de manager toute l'équipe dans ce projet, d'avoir une vision et de maintenir le cap.
**FM : Combien de personnes travaillent auprès de l'académie ?
J-F.V** : Il y a environ une cinquantaine de salariés et une soixantaine de bénévoles. Il y a les staffs techniques, la cellule de recrutement, les personnes travaillant à la scolarité, la formation, le staff médical, la cellule d'optimisation de la performance mentale, l'administratif, la logistique, les personnes travaillant au centre d'hébergement. On a une trentaine de permanents et une vingtaine de personnes à temps partiel à l'académie. Toutes ces personnes sont des leviers stratégiques pour la formation et l'accompagnement du jeune.
**FM : Comment se passe le recrutement d'un jeune joueur à Lyon ?
J-F.V** : Nous avons une stratégie. Nous avons quatorze scouts sur le plan local, régional et national. Pour nous, le but est de partir sur un scouting dans l'agglomération lyonnaise et dans nos clubs partenaires (27 clubs partenaires dont deux dans la région parisienne). La base de nos équipes est constituée de jeunes lyonnais auxquels viennent s'ajouter des joueurs de différents horizon. On ajuste ensuite les effectifs en fonction des joueurs à plus fort potentiel qui viennent de la région puis du national. Donc le scouting commence à 9 ou 10 ans et il est toujours actif jusqu'à 17 ans. Ensuite, c'est plus un scouting en lien avec l'équipe professionnelle. En ce qui concerne les détections, nous avons deux systèmes en place. Il y a un système de détection sur inscription pour les très jeunes (U8-U9) car ils sont trop jeunes pour qu'on aille les observer. Les jeunes viennent sur une journée et on les voit évoluer. À partir de U10, là on est sur un système d'observation dans les clubs, lors des matches et des entraînements. Les scouts déterminent les joueurs à potentiel qui vont venir faire un test au club en réalisant une étude globale mais très spécifique sur ses qualités, son parcours scolaire, ses capacités relationnelles, son environnement. Ensuite, le jeune qui vient en test sera observé par les techniciens et nous prendrons une décision sur son intégration immédiate ou reportée. Ça se fait en plusieurs étapes avec des matches avec nos équipes pour pouvoir évaluer les qualités du jeune et son potentiel d'apprentissage, ce qui est la plus grosse difficulté.
L'OL parmi les meilleurs clubs formateurs en Europe
**FM : L'Académie de l'OL est mixte. Combien de joueur et de joueuses avez-vous aujourd'hui au centre de formation ?
J-F.V** : Le club a eu pour projet d'avoir une académie mixte. On a 250 garçons de U8 à U20. Pour les filles, elles sont 150. On est sur une parité homme-femme. On est dans la même logique intellectuelle de formation.
**FM : Hier, le CIES a dévoilé le classement des meilleurs centres de formations dans les cinq championnats majeurs. L'OL arrive troisième derrière le Real Madrid (1er) et le FC Barcelone (2e). J'imagine déjà que c'est une énorme fierté...
J-F.V** : C'est une reconnaissance pour l'ensemble du club, pour le président Jean-Michel Aulas, pour tous les acteurs du club qui mettent des moyens pour atteindre les objectifs en termes de formation. Il faut savoir que l'OL a une culture de formation depuis le début de la formation en France. Nous, notre objectif est toujours de nous améliorer en interne. Nous essayons d'améliorer nos compétences, le niveau des staffs, la qualité de l'enseignement, le scouting, nos infrastructures. Aujourd'hui, nous avons une académie toute neuve. Chaque jour, nous devons capitaliser ce que nous savons très bien faire et toujours avoir une vision sur ce que nous pouvons faire mieux. Nous ne voulons pas nous comparer pas aux autres. Nous n'avons pas de club modèle, le club modèle pour nous c'est l'OL. En interne, nous essayons d'optimiser ce que nous sommes capables de faire et ce que nous pouvons faire. Mais malgré tout, nous essayons de voir ce qu'il se passe ailleurs. Il y a des interactions entre les clubs. On est curieux de voir ce qu'il se passe dans la formation des jeunes. C'est important d'avoir une veille, de voir ce qu'il se passe dans les autres clubs et qu'on pourrait adapter. Il faut aussi s'ouvrir à toutes les recherches scientifiques sur l'apprentissage dans tous les domaines de la performance. Ce sont des éléments extérieurs qui vont venir nous aider à faire évoluer l'enseignement et la performance des jeunes. Il y a des rencontres parfois avec des formateurs d'autres clubs. L'idée, c'est de partager. Nous partageons notre expérience, notre réflexion, notre savoir-faire quand des clubs viennent en visite. Nous sommes dans un système où nous voulons faire évoluer le foot, la formation à l'OL et créer de nouveaux leviers pour aider nos jeunes et l'encadrement.
**FM : L'OL est n°1 en France et donc bien classé en Europe. Comment expliquez-vous que le club arrive à maintenir un tel niveau de formation depuis aussi longtemps ?
J-F.V** : Nous n'avons pas de secret (sourire), mais des gens passionnés. Nous avons un savoir-faire qui est transmis depuis de nombreuses années au club et qui s'inscrit dans un projet de formation avec beaucoup de patience, de sérénité et beaucoup de valeurs éducatives. L'idée c'est de mettre l'enfant dans un contexte éducatif performant avec beaucoup d'exigence et de bienveillance. Nous insistons sur certains aspects de la philosophie de jeu à l'OL sur lesquels il faut capitaliser tout en essayant d'évoluer. Ça permet de maintenir un haut niveau et de le faire évoluer. Nous sommes vraiment sur une dynamique avec un travail quotidien en ajustant les situations d'apprentissage en fonction des besoins des joueurs et des équipes. Nous avons des profils qui sont un peu atypiques chez les jeunes, même si à chaque fois nous jouons le haut de tableau. En termes de résultats immédiats, nous ne sommes pas numéro un. Mais par contre nous sommes toujours dans le projet de gagner en formant et former en gagnant. Nous sommes sur des résultats à moyen terme. Nous essayons de faire exprimer le potentiel de chaque jeune pour l'amener vers le haut niveau. Notre objectif est qu'il atteigne l'équipe professionnelle. Peut-être qu'à un moment donné, le joueur sera en retard ou qu'il aura quelques éléments déficitaires, l'idée c'est de l'accompagner pour passer le cap d'être joueur professionnel et de devenir un champion. Certains ne le font pas parce qu'il y a toujours des limites dans les capacités d'apprentissage, cognitives, motrices ou techniques. Ils jouent à un autre niveau ou ailleurs en Ligue 1. Mais l'idée c'est de prendre le temps d'optimiser le potentiel de chaque joueur.
Transmettre la culture OL
**FM : Malheureusement, certains joueurs sont amenés à vous quitter chaque saison. Comment cela se passe-t-il ?
J-F.V** : On a des points d'étape avec les staffs et les joueurs. L'idée c'est de porter une réflexion afin de prévoir ce que nous pouvons optimiser chez le joueur et comment nous pouvons le faire progresser. Quand on arrive en fin de saison, au printemps, avec des joueurs en fin de contrat ou en fin de convention, on se demande quel est le potentiel du joueur, quelle est sa marge de progression. Est-ce que ce joueur on le garde ou est-ce que l'on pense qu'il sera mieux dans un autre contexte ? Il y a des joueurs qui en allant ailleurs vont avoir plus de temps de jeu, émerger. Ce qui est important pour nous à l'OL c'est de donner du temps de jeu à nos joueurs. Un joueur qui ne joue pas, c'est un joueur qui va peu progresser. Il va s'entraîner, mais il va peu progresser. Nous devons toujours être dans l'équilibre de notre effectif pour pouvoir donner du temps de jeu en compétition à nos joueurs. Nous n'avons pas un nombre d'équipes important (16 équipes des U8 à National 2). Nous sommes en permanence dans un équilibre devant favoriser l'apprentissage, les progrès des jeunes. Le temps de jeu est un élément déterminant.
**FM : À la Masia, on parle souvent de l'ADN Barça. On met toujours en avant le fait de faire jouer toutes ses équipes, des plus jeunes aux pros, de la même façon. Est-ce aussi le cas à Lyon ?
J-F.V** : Nous avons une philosophie de jeu basée sur la possession, sur le fait de gagner le rapport de force, d'aller marquer des buts. Elle est dans la culture de l'Olympique Lyonnais. Des petits jusqu'aux grands, nous sommes dans cette culture de jeu. Après, il y a des principes de jeu communs entre l'école de foot, la pré-formation et la formation. L'idée c'est que l'on puisse vraiment continuer à développer une identité de jeu OL qui permette aux jeunes de pouvoir se comprendre et d'avoir une intelligence collective commune. Ce qui est important, c'est ça en fait. Nous souhaitons, lorsqu'ils arrivent au très haut niveau, qu'ils soient capables de s'intégrer tout de suite dans le système dans lequel veut jouer le coach des pros. Nous voulons qu'ils aient une compréhension des attentes du coach et qu'ils puissent se comprendre très vite avec les partenaires pour être performants toute de suite. Nous sommes vraiment dans le travail de possession, d'intelligence du joueur pour qu'ils puissent s'adapter à ce que demande le haut niveau. Nous avons encore une grande marge de progression dans tous les domaines de la performance.
**FM : Plusieurs joueurs formés chez les Gones évoluent avec les pros actuellement. Est-ce que vous percevez les principes appris au centre de formation au moment de les voir jouer au plus haut niveau ?
J-F.V** : Oui, on le voit avec des profils de joueurs comme Houssem (Aouar) qui avait une intelligence de jeu très élevée. Ils avaient une base intéressante de technique, de maîtrise quand ils sont arrivés au club et qu'ils ont développé grâce aux entraînements. Ce sont des éléments qui vont leur permettre de jouer au très haut niveau. Un jeune peut voir avoir de gros points forts mais il peut aussi avoir des lacunes qui l'empêchent d'aller au très haut niveau. Nous accentuons le travail sur ses points forts durant toute sa formation tout en travaillant sur ses points de fragilité pour ne pas qu'ils deviennent rédhibitoires pour accéder au haut niveau.
**FM : Vous l'avez dit, la formation est un travail d'équipe. Bruno Genesio se tient-il régulièrement au courant de tout ce qu'il se passe au centre de formation ?
J-F.V** : On a beaucoup échangé et travaillé sur les principes de jeu et la philosophie de jeu. Bruno vient de l'académie. Il connaît très bien notre fonctionnement. C'est un des formateurs à la base. Il est capable d'amener de jeunes joueurs vers le très haut niveau. Il s'intéresse beaucoup à ce qu'on fait, il est très actif au sein de notre académie même si aujourd'hui il a d'autres responsabilités. On a des points réguliers ensemble afin d'évoquer la situation de l'académie et l'évolution des équipes et des joueurs.
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