Harlem Gnohéré l’exilé devenu star de Roumanie qui tape à la porte de la sélection ivoirienne

Harlem Gnohéré, ce nom ne vous dit peut-être rien. Mais cet attaquant de 30 ans se régale loin de l'Hexagone. Avec un parcours sinueux, il pourrait vite revenir dans le top cinq européen. Pour Foot Mercato, il a raconté son histoire.

Par Constant Wicherek
9 min.
FC Steaua Bucarest Harlem-Eddy Gnohéré @Maxppp

On l'entend à sa voix lorsqu'il décroche le téléphone. Harlem Gnohéré est épanoui, souriant. On sent qu'il se régale en Roumanie, au Steaua Bucarest, loin de nos contrées. Pourtant, c'est en France qu'il a fait sa jeunesse et sa formation, mais tout ne s'est pas passé comme prévu. « À l'époque quand j'étais à Troyes, l'entraîneur principal me fait jouer tous les matches en moins de 18. Arrivé à la trêve, pour le match de Gambardella contre Sedan, il me met sur le banc, sans m'expliquer pourquoi. Avec du recul, je me dis que je ne devais pas être assez performant, que je ne marquais pas assez de buts pour un attaquant. J'ai compris tout de suite que ça n'allait plus le faire...Puis j'ai décidé que je ne voulais plus rester à Troyes », se remémore-t-il un brin dubitatif.

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Ensuite, il décide de quitter la France pour la Suisse. Mais pas la première division non. Tout d'abord on lui vend un projet qui n'est pas vraiment celui qui existe. « C'est un ami à moi qui était à Troyes avec moi. Il est parti faire un essai et m'a proposé de venir avec lui. Je me suis dit "hé pourquoi pas ?" À Troyes je sens que je ne vais pas réussir autant essayer quelque chose d'autre. Je reste trois ans en Suisse. À partir du moment où je suis arrivé en Suisse, j'ai commencé à enchaîner les buts et à devenir le meilleur buteur de mes équipes. L'agent me vend le projet comme un club de troisième division qui est deuxième et qui veut monter. À Troyes je leur dis au revoir et je me retrouve finalement dans un club de 4e division. Je me suis dit "t'es là, essaye de faire ton truc et si ça marche, des clubs vont te repérer puis ça peut aller plus vite". Je n'ai pas douté », se rappelle-t-il.

Il a joué avec Thomas Meunier

C'est peut-être là que tout bascule dans le bon sens pour la première fois. À force d'abnégation, il est repéré par des clubs belges et s'envole pour le Plat Pays, toujours en seconde division, à Virton : « je termine deuxième meilleur buteur de Ligue 2, il y a plus de regards sur moi. Les joueurs qu'on avait à cette époque, c'était costaud. Il y avait Thomas Meunier, un mec qui fait la coupe de l'UEFA à Dudelange. On avait une équipe de mecs qui sortaient de centre de formation qui n'avait pas forcément réussi. Quand tu te trouves là, c'est que t'as vraiment pas réussi ton parcours en centre ».

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Cette fois, c'est la bonne. Charleroi le repère, le fait signer et en fait son buteur, toujours en seconde division. Tandis que l'on pense que sa carrière va enfin prendre son envol, il est une nouvelle fois déçu. « À Charleroi, en Ligue 2, je finis meilleur buteur du club et du championnat puis on monte. Ensuite le club est racheté. Avec tout ce qui se passe maintenant dans le foot belge, je pense que ma période à Charleroi c'est Mogi Bayat qui ramenait ses joueurs et de là, on ne m'a plus fait confiance, du jour au lendemain. Je ne comprenais pas pourquoi à l'époque, pourquoi je ne jouais pas. Au début je faisais les efforts qu'il fallait et il n'y avait pas de suite. Alors, j'ai relâché et moi, quand je relâche je ne suis vraiment pas bon », nous détaille-t-il avec une sincérité qui détonne dans ce milieu.

Il revit en Roumanie

Bison, comme le surnommait affectueusement le directeur sportif de Virton, connaît alors de nouvelles mésaventures avant de se décider à quitter la Belgique : « à partir de là, Charleroi ne m'a pas gardé. Six mois après ils m'ont prêté à Westerlo, c'était vraiment l'enfer. De tous les clubs que j'ai connus, mêmes amateurs, Westerlo c'était le pire, le plus amateurs que j'ai pu faire. Il n’y a rien qui allait, les infrastructures, les entraînements. Ils avaient un bon petit stade, mais le reste... c'était laborieux. Je reviens six mois à Charleroi, je suis reprêté, mais à Mouscron. Je fais 10 matches, cinq buts, on monte en Jupiler et je ne suis pas gardé. Je me retrouve libre. Je signe à Mons. Je fais une bonne saison, en janvier je suis meilleur buteur du championnat, il y a des offres de Jupiler. Vu que Mons est en faillite, le club refuse des échanges de joueurs et veut de l'argent. Trois mois après le club fait faillite. Je me retrouve à nouveau libre. C'était plus compliqué pour moi ».

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Après avoir toujours marqué but sur but, Bison n'est pas encore dans les short list des gros clubs européens même de seconde zone. C'est là qu'il prend la décision radicale de tenter sa chance loin en Europe, en Roumanie. « J'avais un ami qui jouait à Petrolul, quand je lui ai dit que j'avais des propositions de Roumanie, je suis allé vivre chez lui pour voir comment ça se passe la vie et le championnat et ensuite je prendrai ma décision. Je viens voir un match, je vois l'ambiance et je me dis que ça peut être quelque chose de bien. Le Dinamo ce n'est pas n'importe quoi. Quand je suis arrivé, tout était fantastique, les installations, les entraînements, le coach de l'époque. J'ai su m'adapter rapidement au championnat donc je me sentais super bien », confesse-t-il avec le plus grand sérieux du monde.

Le courage de passer du Dinamo au Steaua

Pour lui, le championnat roumain est négligé alors que plusieurs équipes pourraient largement évoluer en Jupiler. De plus, il ne comprend pas pourquoi des clubs européens ne viennent pas piocher dans le pays. Les joueurs y sont bons et à moindres coûts. Une nouvelle fois, Gnohéré prend le contre-pied et fait preuve de courage puisqu'il rejoint le principal rival du Dinamo, le Steaua Bucarest : « je ne m'entends plus avec les dirigeants du Dinamo. Pas que sur l'aspect financier hein ! Je suis arrivé au Dinamo gratuitement. La saison qui suit, j'ai des opportunités de certains clubs en Turquie, en Espagne, au Qatar. Je pense que sportivement parlant c'était intéressant pour moi. Le président n'a pas voulu... Je ne sais pas, peut-être qu'il a voulu plus d'argent. Je ne trouvais pas ça correct puisque j'étais arrivé gratuitement. S'il avait une grosse somme d'argent, il aurait pu me laisser partir et pas demander plus d'argent. Je suis resté six mois, il me restait six mois. Je pouvais signer ou je voulais et j'ai signé au Steaua, sportivement c'était la meilleure chose pour moi ».

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Forcément, connaissant la puissance de la rivalité entre les deux formations, on lui demande comment ça se passe et la réponse est relativement surprenante. « Les supporters m'en veulent encore quand je joue contre eux. Mais je les comprends, quand tu as un bon joueur qui s'en va renforcer l'équipe adverse c'est toujours frustrant. Mais, personnellement je pense que j'ai fait le bon choix. Je jouais la Coupe d'Europe, c'est ce que je voulais, je ne l'avais jamais jouée. J'ai des belles stats. C'est ce qui m'intéressait, je voulais absolument jouer la Coupe d'Europe avec un club et ça a été fait. Mais pour être honnête, même parfois des supporters du Dinamo, dans la rue, ils me disent "on supporte le Dinamo, mais toi Bison, même si tu es au Steaua on t'aime". Avoir joué dans les deux clubs de Bucarest ça joue beaucoup. Ce n'est pas n'importe qui qui peut faire ça et réussir. Certains coaches que j'ai pu avoir, ou des coaches adverses et même des arbitres me disent "franchement bravo pour ton parcours, parce que passer du Dinamo au Steuea en restant performant, c'est vraiment fort », sourit-il absolument sûr de lui.

Revenir en Ligue 1, la cerise sur le gâteau

Même s'il est considéré comme une star en Roumanie, ce statut ne lui plaît pas. On sent une pointe de gêne lors que le sujet vient sur le tapis : « je ne me considère pas comme une star. En fait, les véritables stars c'est les CR7. Ici en Roumanie je suis quelqu'un de populaire. Je ne vais pas dire que je le vis mal, mais je n'arrive pas vraiment à vivre avec, à m'y faire ». Nous faisons face à un homme calme, serein, mais qui ne manque pourtant pas d'objectifs.

« Franchement participer à la Ligue des Champions avec le Steaua ou un autre club, c'est un objectif, c'est le rêve de tous joueurs. Enfin être dans les groupes, j'ai déjà fait la phase de qualifications (rires), ce serait quelque chose de fantastique. Ce serait un beau clin d’œil de revenir en Ligue 1 pour les dirigeants de Caen ou de Troyes quand ils n'ont pas cru en moi. Moi je suis un revanchard. J'étais en équipe de France. J'ai fait 12 sélections en moins de 16, j'ai été bon. On ne m'a jamais rappelé du jour au lendemain. Au centre de formation, je n'ai pas été exempt de tous reproches, j'ai aussi fait des choses pas correctes. J'ai quitté la France en étant un inconnu, j'aimerais bien revenir en étant quelqu'un de revanchard qui n'a pas réussi en France, mais qui revient bien. Revoir, à 30 ans, la ligue 1, ce serait la cerise sur le gâteau », explique-t-il un brin moqueur et revanchard par rapport à cette époque qui semble loin, mais qui en même temps semble lui rester un petit peu en travers de la gorge.

Il attend la Côte d'Ivoire

Ce qui est fort chez Bison, c'est surtout son recul. Après les épreuves passées, il se rend compte aussi qu'il n'a pas toujours été parfait. Pour expliquer son propos, il évoque les entraînements avec Blaise Matuidi. Et il comprend comment on en arrive là : « quand tu es en équipe de France, tu fais partie des meilleurs. J'ai fait partie des meilleurs à Troyes, à Cannes et à Caen. Mais je me laissais aller, je ne travaillais pas, je me reposais sur mes lauriers. J'ai compris qu'il fallait travailler à 25-26 ans. Quand j'étais à Troyes, je voyais Blaise Matuidi qui travaillait alors qu'il faisait des passes imprécises, la position de son corps après la récupération de balle était étrange. Je n'aurais jamais parié qu'il fasse cette carrière, c'est impressionnant. J'imaginais qu'il serait juste un bon joueur de Ligue 1 et le mec est champion du Monde ça a été un taulier du PSG et maintenant il joue à la Juve. Ce mec-là, Blaise, énorme respect à lui ».

Mais dans le football, les belles histoires existent et il n'est jamais trop tard, lorsqu'on est en activité, pour faire pencher la balance du bon côté. Si l'équipe de France est loin maintenant, Harlem Gnohéré a un autre rêve : évoluer avec la Côte d'Ivoire. C'est une envie qui l'anime jour après jour, qui le guide. Pour l'heure, le sélectionneur roumain ne cesse de lui faire des appels du pied et dans son entourage on espère qu'Ibrahim Kamara, le sélectionneur ivoirien, jette enfin un œil sur lui et sur ses statistiques qui sont absolument hors-normes depuis quelques années. Ce serait une belle récompense pour un joueur qui s'est toujours accroché à son rêve.

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