À l’instar des sneakers ou des chaussures de basket Air Jordan, les chaussures de foot en édition limitée ont la cote. C’est même devenu un business essentiel pour les marques et pour certains revendeurs.
Si vous suivez assidûment l’actualité des chaussures de football, vous avez vu que Nike a récemment relancé des coloris mythiques d’anciennes chaussures mythiques à travers la [collection Future DNA->http://www.footmercato.net/flash-mercato/nike-relance-une-chaussure-mythique-d-andrea-pirlo-en-edition-limitee_276916]. Ces paires sont toutes des éditions ultra limitées puisque seuls quelques distributeurs dans le monde ont la chance de pouvoir les vendre, avec seulement 10 exemplaires par paire. Dans chaque pays, les places sont chères que ce soit du côté de 11 Teamsports en Allemagne, Futbal Emotion en Espagne ou encore [Foot.fr](https://boutique.foot.fr/events/nike-venom-tiempo-DNA) sur le marché francophone. Si la pandémie de coronavirus et l’arrêt d’une majorité de championnats professionnels et amateurs ont mis à mal les ventes des chaussures de foot, la sortie des éditions limitées reste tout de même essentielle dans la stratégie globale des équipementiers du marché.
Quand les sneakers donnent le ton
En ce qui concerne les éditions limitées, le football n’a rien inventé. Il a même complètement suivi la tendance initiée au début des années 90 dans le lifestyle et dans le basketball, avec les fameuses Air Jordan (dont la XI qui a vraiment lancé cette tendance). Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il a fallu un long moment pour que la chaussure de football soit “bankable”. Durant des années, celle-ci se devait d’être en cuir et noir. Point barre. Tout autre matériau ou couleur était mal vu. C’est adidas qui a commencé la révolution en 1994 avec le lancement de la Predator et son aspect reptilien, avec des écailles à l’avant et la présence d’un rouge vif pour accompagner le traditionnel cuir noir et les bandes blanches. Mais c’est Nike qui a définitivement cassé les codes avec la première Mercurial en 1998 et son coloris spécial pour Ronaldo (le Brésilien), avec ce mélange de gris, bleu et jaune étonnant et inédit à l’époque.
Suite au succès de cette paire, le marché de la chaussure de foot a complètement changé. Adidas a sorti des éditions limitées de sa Predator pour David Beckham puis pour Zinedine Zidane au début des années 2000. Nike s’est aussi fait une spécialité de lancer des paires inédites pour ses joueurs phares, tout en concoctant des rééditions de ses modèles mythiques comme la Tiempo 94, relancée en 1994 exemplaires en 2009. Puma et adidas n’ont pas été en reste de ce côté avec des rééditions de l’adidas World Cup 1978 en 2008 pour l’équipementier aux trois bandes et des collaborations avec Ferrari (2009) et Hublot (2014) en édition très limitée pour Puma.
La foire des collectionneurs
Depuis les années 2010, les éditions limitées se sont largement démocratisées avec, en général, une édition limitée par trimestre. Même les outsiders comme New Balance, Mizuno ou encore Under Armour surfent sur cette tendance qui a rapidement trouvé ses aficionados. « Le fait qu’une paire soit en édition limitée pousse forcément à l’achat. Pour deux raisons. D’une part parce qu’il s’agit souvent de chaussures vraiment plus belles que les coloris classiques. Il n’y a qu’à voir les éditions limitées des Mercurial de Cristiano Ronaldo, par exemple. D’autre part, il y a le levier psychologique de la rareté. En possédant une paire rare, on a l’impression aussi d’être spécial. De faire partie des privilégiés », explique Anthony Tomas, 34 ans et collectionneur de chaussures de football dont évidemment des éditions limitées. Il raconte : « parmi ma collection, il y a 3 modèles dont je suis particulièrement attaché. Ce sont des éditions limitées. Il y a tout d’abord la réédition de la Mercurial de R9 de la Coupe du Monde 1998. Elle m’évoque tellement de souvenir et il n’y a eu que 1998 exemplaires de la paire. Ensuite, il y a un coloris spécial de la Tiempo 7 de Sergio Ramos blanc-or-rouge, qui est magnifique. Je joue défenseur central et posséder la paire d’une référence à ce poste, éditée en 4000 exemplaires dans le monde, est un luxe. Et enfin, il y a la Magista “BHM”, qui est un coloris qui rend honneur à la population afro américaine et dont le message me tient à cœur. »
Les équipementiers ont donc compris sur quels biais psychologiques ou cognitifs appuyer pour consolider leurs ventes et écouler leurs stocks. Une édition limitée peut donc concerner : 1) une réédition d’une chaussure mythique ayant, pour la majorité des cas, très bien marché par le passé (minimisation des risques), 2) un coloris spécial dédié à un joueur phare (ex: la Mercurial “Bondy Dreams” de Kylian Mbappé, 3) une collaboration exceptionnelle entre deux marques (ex: la Mercurial 360 x Off White ou la Puma evoSpeed F947 x Ferrari), et 4) ou un concept unique de chaussures (ex: adidas F50 99g, la paire la plus légère du monde). Cette tendance des éditions limitées a fait émerger une vraie culture de la chaussure de foot, très forte en Angleterre et beaucoup moins puissante en France. « C’est vrai que nous sommes en retard par rapport aux pays anglo saxons qui pullulent de collectionneurs. Mais je pense qu’il y a un vrai potentiel en France et c’est bien qu’une boutique française comme Foot.fr puisse bénéficier de paires rares car des collectionneurs comme moi préfèrent se déplacer pour acheter une paire plutôt que de commander sur internet. J’ai déjà fait plusieurs heures de route pour mettre la main sur des chaussures spéciales. Je vois ça d’un bon œil », argumente Anthony.
Une aubaine pour les revendeurs
Ces éditions limitées ne sont pas uniquement une aubaine pour les collectionneurs, elles constituent également un business lucratif pour les revendeurs du monde entier. Parmi ces revendeurs, il y a les indépendants. Des individus qui vont se jeter sur chaque paire rare pour les revendre 2, 3 voire 4 fois plus cher que le prix initial, qui s’élève déjà généralement aux alentours des 250 euros. Il y a aussi des boutiques étrangères qui n’ont pas eu la chance d’avoir été choisies en tant que distributeur officiel par les équipementiers. Ces dernières achètent donc des paires aux boutiques sélectionnées pour ensuite les revendre dans leur propre boutique. Des boutiques coréennes et chinoises se sont spécialisées dans cette pratique et achètent régulièrement des paires sur Foot.fr, comme nous l'a fait savoir la boutique française.
Pour Anthony Tomas, ces pratiques contribuent à faire exploser les prix, ce qui n’est clairement pas une bonne nouvelle pour les vrais passionnés : « c’est vrai que le budget d’un collectionneur s’est envolé ces derniers temps. Pour ma part, je me suis un peu calmé car le portefeuille ne suit plus. On parle quand même de prix pouvant atteindre 300 euros pour certains modèles en boutique. Donc à la revente, c’est encore plus élevé. Après, il reste certains bons plans sur des sites comme leboncoin, où certains vendeurs ne se rendent pas compte de la valeur réelle de leurs chaussures. Pour ma part, je vais aussi fouiner régulièrement sur des sites comme tbtclassicfootballboots ou rareboots4u, où l’on trouve des petites pépites d’époque. Il ne s’agit pas de rééditions mais des paires d’origine du passé à des prix abordables. » Vous l’aurez compris, la tendance des éditions limitées n’est pas prête de s’estomper même si la crise actuelle, liée à la pandémie de coronavirus, demeure évidemment un coup dur pour toutes les parties de cet écosystème.